Les femmes oiseaux, un pilier dans l’économie



Au gré des réflexions du directeur du Centre d’entrepreneuriat et d’innovation (CEI) et coordonnateur département de tourisme de l’Université Quisqueya, Etzer Émile, on peut comprendre que les « madan Sara » ne sont pas seulement ces marchandes qui tintamarrent beaucoup, comme l’oiseau migratoire ressemblant au moineau, et qui font le va-et-vient entre tous les marchés du pays pour acheter et revendre leurs produits.

Citant des travaux réalisés par Nathalie Brisson Lamaute, il considère les madan sara comme les femmes qui se rendent aussi au Panama, en République dominicaine et autres pays. En ce sens, on parle aussi de « madan Sara » international. « L’économie haïtienne n’est pas seulement constituée des banques et des superstructures. Elle est l’ensemble des activités à tous les niveaux, à toutes les dimensions qu’on essaye d’accumuler pour donner ce que ça donne », précise l’économiste Etzer Émile. Ainsi, « l’activité économique des femmes haïtiennes est d’une grande importance car dans la population haïtienne les femmes sont majoritaires, dans l’autoentreprise elles sont également majoritaires, et dans le secteur de la microfinance, 75% des clients sont des femmes », selon l’économiste. « Les madan sara travaillent beaucoup », soutient Michèle Lemoine.

Elles s’absentent pendant des jours pour parcourir de longs trajets dans des routes pierreuses ou poussiéreuse, sous un soleil de plomb comme sous la pluie. Les madan sara voyagent dans des conditions difficiles. Si la nuit tombe en chemin, elles restent entassées dans des camions pour dormir sur d’énormes sacs sales. La plupart du temps, ce sont ces femmes qui prennent soin de leurs maisons, payent l’écolage de leurs enfants car leurs maris souvent infidèles ne jouent pas leur partition. Il y a des contraintes dans ce secteur, souligne Etzer Émile. « L’usure notamment appelée « ponya » dépasse parfois même les 70%. Il n’y a pas d’assurance, pas de protection pour les « madan sara » en cas d’accident. On peut voler ou incendier leurs marchandises et même refuser de rembourser les marchandes. Le risque de faillite est élevé. Elles n’ont pas une éducation entrepreneuriale, etc. », détaille Etzer Émile.

Toutefois, il reconnait que certaines personnes arrivent à effectuer des sauts. « Ce sont des miraculeuses », dit-t-il. Les femmes sont majoritaires dans le secteur de l’économie informelle, pourquoi ne formalisent-elles pas leurs entreprises ? « À quoi ça sert d’être formel ? », répond l’économiste. « Dans l’informel, l’entrepreneur peut faire son commerce, payer son loyer ou construire sa maison, avoir un carnet de banque et autres », explique-t-il. Selon ses analyses, le problème de la formalisation des petites et moyennes entreprises doit sa raison d'être au manque de confiance en l’État. « Premièrement, pour les entrepreneurs, l’État n’est pas proentreprise. En second lieu, ils pensent que c’est un État au service des riches et que le système fiscal est antibusiness. Il ne sera donc jamais en leur faveur », argue M. Émile. Cependant, il croit qu’être formel empêcherait l’évasion fiscale et permettrait à l’État et à l’entrepreneur d’être deux gagnants. c'est pourquoi il faudrait que l’État établisse la confiance et procède à une taxation inclusive et progressive. Femmes oiseaux, « ne perdez pas courage, il faut garder l’espoir que ça ira », lance la réalisatrice, qui se sent heureuse de revoir son œuvre. Michèle Lemoine croit que l’avenir peut s’améliorer pour ces femmes oiseaux, surtout pour leurs enfants pour lesquels elles travaillent durement chaque jour.


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